Récit

L'aidant dit stop, le parent ne le fait jamais

Les parents d'enfant avec un handicap ou une maladie grave ne sont pas seulement parents. Ils sont aussi soignants, coordinateurs de projets, infirmiers, kinésithérapeutes... S’ils ne peuvent pas se décharger du rôle de parent, ils devraient pourtant pouvoir lâcher leurs autres ‘casquettes’ de temps en temps. Histoire de pouvoir continuer à avancer. Malheureusement, l'offre de répit, qui pourrait leur permettre d’appuyer sur ‘pause’ pendant un moment, est loin d'être suffisante.

Les parents de Roman Gerrienne ont choisi de lui offrir la vie la plus normale possible. Malgré la malformation génétique qui a gravement altéré son cœur, Roman va à l'école et participe à des camps de vacances. Ce sont ses parents qui veillent à ce que son alimentation par sonde et ses médicaments soient constamment en ordre, même la nuit, même au camp. "Nous trouvons toujours une solution", explique son père Hermès Gerrienne. "Mais, nous devons la trouver nous-mêmes".

À 10 ans, Roman a arpenté les couloirs de l’hôpital bien plus souvent qu’il ne l’aurait souhaité. Avant son huitième anniversaire, le garçon avait déjà subi 14 opérations. Le fait qu'il ait une espérance de vie inférieure à celle des autres enfants en raison de sa maladie cardiaque pèse psychologiquement sur ses parents. Mais c'est surtout l'alimentation par sonde, que Roman reçoit depuis l'âge de six mois, qui ronge leur énergie. "Roman est alimenté par sonde, principalement la nuit. Il faut changer les poches de nourriture. Il vomit souvent, l'alarme de la pompe se déclenche et il faut alors tout réinitialiser".

Aide informelle difficile à mobiliser

Bien que les choses se soient récemment un peu améliorées, depuis sa naissance, les parents de Roman arrivent à peine à dormir la nuit. Les parents ‘ordinaires’ qui sont ‘au bout du rouleau’ peuvent souvent compter sur l’aide des grands-parents pour rattraper un peu de sommeil. Hermès, lui, n'a pas cette option. "Nous faisons très peu appel à la famille car les interventions paramédicales sont nombreuses". Connecter Roman à la sonde alimentaire le soir, le déconnecter le matin, intervenir quand il vomit ou quand l'intestin se bloque. "Il n'est pas facile de faire appel à quelqu'un à la dernière minute pour une nuit. Il faut à chaque fois tout expliquer. Il faut aussi que la personne soit à l'aise, car ce n'est pas évident". Il n'est donc pas surprenant qu'Hermès préfère faire appel à des spécialistes du répit pour la prise en charge temporaire de Roman.

Plus les soins sont intenses et spécialisés, plus l'offre est limitée. Alors que le besoin de répit pour des parents comme ceux de Roman est justement plus criant. Pour les enfants qui nécessitent des soins médicaux intenses, l'offre est encore plus réduite, tant pour les soins résidentiels que pour le répit en période de vacances (avec surveillance médicale) et le baby-sitting à domicile, en semaine ou le week-end. Souvent, les services existants ne sont soit pas capables d’assurer de tels soins, soit ne sont pas autorisés à effectuer des actes (para)médicaux.

Longs déplacements

Contrairement à la Flandre et à Bruxelles, la Wallonie - Hermès vit à Liège - ne dispose pas d'un centre de répit où les enfants gravement malades peuvent être accueillis afin de permettre aux parents de faire un break. "Roman est un habitué de la Villa Indigo à Bruxelles, même si nous devons faire à chaque fois un long trajet. Nous ne faisons appel à eux que lorsque nous sommes trop fatigués". Pour les parents de Roman, il est essentiel qu'une solution de répit offre un suivi médicalisé et que, comme à la Villa Indigo, il y ait un hôpital à proximité. "Les équipements de la Villa, la façon dont ils organisent leurs activités et font découvrir toutes sortes de choses aux enfants, en font vraiment une bonne solution".

Culpabilité

Les parents de Roman ont donc pris l'habitude de l'emmener à la Villa Indigo. Même si cela devient plus difficile à mesure qu'il grandit et se rend compte que, pendant qu'il est là, ses parents font parfois des activités amusantes avec sa sœur de huit ans, qu’ils ne peuvent envisager de faire en sa présence. "Demander une aide de répit la première fois n'était pas évident . Dans notre cas, Roman avait deux ans et demi. Nous avons attendu que ce ne soit vraiment plus possible, comme beaucoup d’autres parents. Cette première fois nous a rongé de culpabilité. Vous avez l'impression que vous n'êtes pas capable de vous occuper vous-même de votre enfant. Mais, ce n'est pas le parent qui échoue, c'est le rôle d'aidant qui devient trop lourd à certains moments. Il faut accepter que lorsque l'on a un enfant différent, tout est plus intense. Il est normal de s'occuper d'un enfant malade. Cependant, une partie de ces soins sort du cadre normal de la parentalité. Il est important de le dire aux parents. Nous avons deux rôles différents et l'un d'eux a régulièrement besoin de répit et d'aide".

Débrouille

"Nous avons deux rôles différents : parent et aidant. L'un d'eux a régulièrement besoin de répit."
Hermès Gerrienne
papa de Roman, atteint d’une malformation génétique

Les services comme Villa Indigo sont très sollicités, surtout pendant les vacances scolaires. "Il faut réserver des mois à l'avance. Si j'ai besoin de la Villa à l’improviste, ça ne marche pas. La demande est trop importante". Face au manque de solutions, Hermès s’est débrouillé pour trouver, par l’intermédiaire de tiers, à une aide informelle à domicile : "une jeune infirmière en dernière année de formation qui avait fait un stage dans le service hospitalier où Roman avait été admis. Elle le connaissait. Elle vivait pas très loin de chez nous et elle est venue faire du baby-sitting quelques fois. C'était rassurant car elle avait la bonne formation".

À propos de l’action de la Fondation Roi Baudouin

La Fondation Roi Baudouin veut mettre en avant les difficultés rencontrées par les parents d’enfants avec un handicap qui ont du mal à trouver un accompagnement temporaire pour les soulager dans la prise en charge de leur enfant dépendant. Bien avant la crise du Covid-19, elle avait déjà reçu des signaux indiquant que ces parents étaient épuisés.

La Fondation a dressé un état des lieux des solutions de répit qui existent en Belgique et qui permettent aux parents de reprendre leur souffle. Elle a également interrogé des parents quant à leur expérience de l’offre existante, les lacunes qu’ils constatent et les opportunités qu’ils voient. Cet état des lieux des besoins et de l’offre en matière de répit fait l’objet d’une publication spécifique. Début 2022, la Fondation lancera un appel à projets destiné à encourager la création de nouvelles solutions de répit pour les parents d’enfants avec un handicap ou en situation de maladie grave.

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