Récit

L’histoire de Louka & Swala

Pénétrer dans la maison de Louka, c’est y être accueilli deux fois : par les humains et par les animaux. Louka, vingt ans, et son chien Swala, un labrador de presque trois ans, habitent avec les parents de la jeune femme, son frère, un autre chien (Aragon, un Cavalier King Charles) et un chat British shorthair. Les animaux sautillent gaiement autour de vous, les membres de la famille vous donnent une chaleureuse poignée de main en souriant. Il fait bon vivre ici.

Chiens d’assistance pour personnes avec autisme

Née avec un trouble du spectre de l’autisme (TSA), Louka n’a pas été épargnée par les problèmes physiques : une partie de son cerveau est défectueuse, elle ne voit que d’un œil et a une faible vision lointaine. Pour une personne malvoyante avec autisme comme Louka, le simple fait d’aller seule en rue a représenté un grand défi. Pas seulement à cause de la vue : les stimuli l’empêchaient aussi de fonctionner ‘normalement’. Il y a quelque temps, elle a fait connaissance avec Scale Dogs et a appris l’existence de chiens d’assistance pour personnes avec autisme. Une porte vers une vie plus autonome s’ouvrait à elle.

"En fait, on aurait dû s’adresser beaucoup plus tôt à Scale Dogs", affirme d’emblée Louka. "On pense que ces chiens sont seulement destinés à accompagner des personnes aveugles. Je ne me rendais pas compte que c’était aussi possible pour moi." Une connaissance atteinte de TSA possédait un chien d’assistance, ce qui a intéressé Louka. Après des discussions positives avec Scale Dogs, la jeune femme a pu passer une journée avec l’un des chiens spécialement dressés. Séduite, elle a décidé d’entamer la procédure pour trouver un chien adapté à ses besoins.

L’association a alors évalué le rythme de marche de Louka afin de pouvoir lui attribuer un chien capable de la suivre. Louka a aussi émis quelques conditions : "Je voulais un chien calme, qui n’aboie pas beaucoup, car avec mon autisme, je ne supporte pas bien le bruit." Autre condition : un chien pas trop grand, avec lequel il est facile de prendre le bus. Étudiante en langues à l’université de Gand, la jeune femme doit faire de longs trajets depuis chez elle, à Sint-Lievens-Houtem.

Apprentissage mutuel

La confirmation est arrivée durant l’été 2021, alors que Louka et sa famille étaient en vacances : l’association pensait avoir trouvé le chien qui conviendrait à Louka. Un mois plus tard, Swala a rendu visite pour la première fois à la jeune femme et s’est immédiatement dirigée vers elle. Peu après a débuté une période intensive de ‘stage’ destinée à différents apprentissages, sous l’accompagnement de Scale Dogs. "Tout le monde se sentait bien : ma famille, Swala et l’accompagnatrice. L’avis de mes parents était très important pour moi. Le but n’est pas de leur imposer pendant dix ans la présence d’un chien qu’ils n’apprécient pas."

Swala a surtout été dressée pour aider des personnes visuellement déficientes. Éviter des obstacles en rue, attendre aux passages pour piétons… aucun problème pour elle. Avec l’accompagnatrice, Louka et Swala ont appris à parcourir les trajets habituels vers l’université ou la bibliothèque. "En avant", "à gauche" ou "à droite" sont des ordres faciles pour la chienne, qui a petit à petit commencé à passer la nuit chez Louka. Avec succès : Swala s’est tout de suite sentie chez elle. "Il ne restait plus qu’à voir ce qu’elle pouvait apprendre pour s’adapter à mon trouble du spectre de l’autisme." Quand Louka dit par exemple "genoux", Swala vient doucement poser sa tête sur ses cuisses, ce qui l’apaise. "C’est ce dont j'ai besoin pour me ‘déstimuler’". Louka peut choisir ces actions et les lui apprendre elle-même.

Au début, Louka avait encore des doutes. "Mais l’accompagnatrice de Scale Dogs m’a rassurée. C’est incroyable à quelle vitesse Swala et moi, on s’est habituées l’une à l’autre ! Un jour, nous sommes allées à la bibliothèque de l’université et il a suffi de montrer une seule fois le chemin à Swala pour que, la fois suivante, elle se dirige toute seule vers la partie de la bibliothèque où je vais le plus souvent." L’accompagnatrice avait rarement vu un lien se créer aussi vite. Louka a cependant dû s’habituer à se ‘laisser guider’. Comme elle voit encore un peu, il lui arrivait de vouloir guider elle-même. "Mais je dois laisser faire Swala et apprendre à lâcher prise."

Présence rassurante

Le ‘stage’ intensif a beaucoup fatigué Louka, qui a fréquemment souffert de migraine. "Il est arrivé que je me repose dans le fauteuil et que Swala vienne près de moi, comme pour me demander ce qui n’allait pas." Swala ‘sent’ vraiment Louka. Aujourd’hui, la jeune femme a moins peur du noir ; la présence de la chienne la rassure.

Le ‘stage’ de Swala a pris fin à la rentrée scolaire : la chienne fait désormais partie de la famille. "Il est clair que c’est mon chien." Swala et Louka forment une équipe, la chienne ‘travaille’ pour Louka. C’est pourquoi il est important que Louka soit clairement son maître, mais aussi qu’elle passe une grande partie de son temps libre avec sa chienne : se promener au bois, jouer au jardin. Et quand Louka lui enfile son harnais, Swala sait qu’il est temps pour elle de travailler. Il faut alors éviter que d’autres personnes la caressent, car cela la distrairait.

Dans le bus, pendant les cours ou au restaurant : quel que soit l’endroit, Swala reste tout près de Louka. Calme, la chienne peut rester couchée pendant des heures. Pour Louka, c’est une certitude réconfortante. "Si j’ai trop de stimulations, je caresse Swala. La savoir près de moi est une grande source d’apaisement." Durant les dernières vacances de Pâques, la famille a fait un citytrip à Londres. Un voyage qui, d’ordinaire, provoque beaucoup de stimulations pour Louka. "Grâce à Swala, je n’ai jamais eu mal à la tête", se remémore la jeune femme.

La présence de Swala permet aux gens de mieux comprendre que Louka est malvoyante. Ils lui font de la place ou se lèvent s’il n’y a pas de siège libre dans le tram. Louka a le sentiment de pouvoir faire plus de choses qu’avant. Elle a aussi davantage confiance en elle : "Quand je vais me promener et que je sais que mes parents ont besoin de quelque chose au magasin, je peux le leur ramener." La jeune femme garde son calme, là où avant, elle paniquait vite. "Avant, quand je ratais mon bus, c’était la panique. Maintenant, je relativise. J’ai Swala." Elle accepte aujourd’hui les interviews de journalistes, alors qu’avant, cela n’aurait pas été possible.

Swala est-elle une amie ? "Oui, nous sommes une véritable équipe, on collabore", répond Louka. "Une personne avec un handicap physique peut faire davantage de choses si elle a un fauteuil roulant adapté. Une aide vous rend plus autonome."

"Si j’ai trop de stimulations, je caresse Swala. La savoir là est une très grande source d’apaisement."
Louka

L’équipe ‘Louka-Swala’ semble bien lancée pour les années à venir. Lorsque Swala vieillira, au bout de huit ans environ, elle prendra sa ‘pension’ et on cherchera alors un autre chien d’assistance pour Louka. Swala pourra malgré tout continuer à vivre chez Louka : plus pour travailler, mais pour lui tenir compagnie.

Le Fonds Albert & Oscar veut soutenir des organisations qui dressent des chiens d’assistance dont la présence peut créer de nouvelles possibilités d’autonomie et favoriser une meilleure intégration de personnes en situation de handicap. Grâce à l’aide de chiens d’assistance, elles peuvent mener une existence plus indépendante et trouver leur place dans la société. Le Fonds soutient également la recherche dans le cadre de la sélection et du dressage de chiens d’assistance. Le Fonds Albert & Oscar est actif depuis 2019. Sept projets ont été soutenus depuis sa création, pour un montant total de 152.550 €.

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