Récit

Une main tendue aux plus démuni.es

En cette fin d’après-midi, un petit groupe se forme devant l’association Une main tendue, à proximité de la gare de Namur. Les premiers bénéficiaires attendent les colis alimentaires et repas chauds préparés par la dizaine de bénévoles qui, depuis la matinée, s’activent à décharger, trier et remplir les cageots. Grâce au soutien d’urgence reçu de la Fondation Roi Baudouin au début de la crise du COVID-19, le lieu s’ouvre désormais aussi le week-end.

La distribution commence à 16h30 tapantes et se termine à 19h30. À raison de douze personnes par demi-heure. "Sans cette organisation, la file s’allongerait jusqu’à la gare. On distribue quelque 120 colis tous les jours" explique Laurent Fremal. Co-coordinateur de cette association qui vient en aide à 950 familles, soit 3.500 personnes, il a lui-même vécu la descente aux enfers : une faillite, un divorce, l’endettement et la survie dans la rue, pendant deux ans. "Je sais ce qu’est la vie d’errance, la pauvreté, l’isolement. Il suffit d’un accident de la vie pour vous faire basculer dans le dénuement. Ou d’un virus : depuis la crise du coronavirus, de nouveaux visages débarquent chez nous, beaucoup d’indépendants qui ont dû fermer, des étudiants vivant en kot et qui ont perdu leur job."

Marc Lepinois, président d’une Main tendue : "Il y a aussi de nombreuses personnes engluées dans des lourdeurs administratives : des pensionnés qui ne sont pas en ordre avec leurs papiers, des gens qui ne perçoivent pas encore leur allocation CPAS, d’ex-détenus… On rencontre des personnes qui hésitent à rentrer, rasent les murs, ne comprennent pas comment ils en sont arrivés là. Tous ces gens précarisés sont souvent très isolés et en recherche de contact. Une maman de quatre enfants m’expliquait que le déplacement jusqu’ici était la seule sortie qu’elle pouvait se permettre."

Des fins de mois difficiles

Dans la file masquée qui s’allonge, ponctuée du mètre et demi réglementaire, chacun attend son tour. En fonction de la composition de son ménage, on aura droit à un, deux ou trois bacs de victuailles pour tenir la semaine. Il est composé d’un colis de base standard, celui du Fonds européen d’aide aux plus démunis : du lait, des pâtes, du riz, de la confiture, des corn-flakes, de la confiture et du choco. Auquel s’ajoutent des produits issus des banques alimentaires et des surplus des grandes surfaces de la région namuroise : légumes, fruits, gaufres, yaourts ou biscuits selon les arrivages. Coût du colis au prix du marché : 80 euros. Une petite fortune pour les budgets les plus bridés. Ici, le colis s’échange au prix modique de 2,50 euros, celui de la participation aux frais.

Eric prépare les repas chauds avec son épouse. Tous deux sont bénévoles, lui travaille en partie sous statut ALE : "Même avec ce complément, l’allocation de chômage nous permet à peine de boucler les fins de mois. Ma femme travaillait dans un restaurant, mais elle a perdu son job. Pour nous, ce colis est très important, c’est un vrai bol d’air." Annabelle attend patiemment son tour : "Je suis au chômage depuis trois ans. Trop juste pour boucler le mois. Alors je viens ici, cela allège mes charges. Et j’en profite pour emmener des colis à deux personnes âgées. La première ne peut plus se déplacer et la seconde attend la venue de l’assistante sociale pour recouvrer ses droits à une allocation."

Un engagement sans faille

Janick est sur le pont, comme chaque jour, depuis 9h. En temps normal, elle ferme les portes du local chauffé douze heures plus tard. Depuis l’arrivée du coronavirus, ce petit confort apporté aux sans-abri a été supprimé. Janick est la veuve de Gérard Jacob, qui a créé Une Main tendue et s’est démené toute sa vie pour les plus démunis. "Quand le commerce de mon mari a fait faillite, nous n’en menions pas large, nous avons aussi dû faire appel aux colis alimentaires pour nous tenir la tête hors de l’eau. Puis nous sommes devenus bénévoles et il n’a cessé de se battre pour les plus démunis. J’essaie de poursuivre son combat. Récemment, une dame m’a offert une boîte de pralines pour me remercier, comme cadeau d’adieu : ‘Je vais essayer de m’en sortir sans vous à présent’."

Jonathan, la vingtaine à peine, n’en est pas là : "Mon administrateur de biens m’accorde 50 euros par mois. Sans ce repas chaud pour lequel je débourse 2,50 euros, je serais incapable de m’acheter à manger. Je suis à la rue et j’ai des frais : tout coûte cher, y compris pour prendre une douche." Jean-Louis, 63 ans, est un fidèle : "Je viens ici depuis une dizaine d’années. Je vis dans un appartement dont je parviens péniblement à m’acquitter du loyer et grâce à l’intervention du CPAS. J’ai vécu dans la rue pendant deux ans. Je travaillais dans une organisation internationale et mes revenus étaient plantureux. Et puis, il y a eu le divorce et toutes les difficultés financières qui s’en sont suivies. Ce colis m’est vraiment indispensable."

Ouvert sept jours sur sept

"Depuis la crise du coronavirus, beaucoup de personnes ont basculé dans le dénuement et viennent frapper à notre porte."
Laurent Fremal
Co-coordinateur de l’asbl Une main tendue

Des services tellement essentiels qu’Une main tendue ouvre à présent ses portes les week-ends, grâce au soutien de 10.000 euros qu’elle a reçu de la Fondation Roi Baudouin au début de la crise du COVID-19. Une aubaine pour tous les bénéficiaires qui, jusque-là, devaient se serrer un peu plus la ceinture, faute d’établissements ouverts. Une intervention applaudie par Amandine, faisant au passage rougir Elie, le cuistot : "C’est un repas délicieux et copieux. Il y a de la soupe, un plat consistant, une boisson et un dessert." De quoi mettre l’estomac au chaud, avant de regagner la rue ou l’abri de nuit de Jambes, s’il reste de la place.

À propos de l’appel d’urgence ‘COVID-19 : personnes précarisées’

Dès le début de la crise du COVID-19, la Fondation Roi Baudouin se mobilisait pour venir en aide aux acteurs de terrain. À la suite d’un premier appel d’urgence, plus de cinq millions d’euros ont été distribués à quelque 500 organisations de lutte contre la pauvreté et le sans-abrisme, afin de les aider à faire face aux besoins pressants. L’asbl Une main tendue fait partie des organisations bénéficiaires.

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