Récit

Casa Legal : Une association d’avocates pour l’accès à la justice

Casa Legal est la toute première asbl d’avocates de Belgique. L’accompagnement, à la croisée de l’aide juridique, du social et du soutien psychologique, permet d’aider des populations en difficulté, pour qui l’accès à la justice est une gageure. Ce projet innovant, véritable « ovni » dans le monde juridique et social, a reçu un soutien de 80.000 euros d’Impact Together by BNP Paribas Fortis.

Au centre de Bruxelles, près du marché bio des Tanneurs, Samar, une jeune femme trentenaire, originaire du Liban, a rendez-vous dans les locaux d’une asbl d’un nouveau genre : « Casa Legal », la toute première association d’avocats du pays. Ce qu’on trouve chez Casa Legal, Noémie Segers, l’une des quatre fondatrices, l’explique simplement : « Les gens viennent nous voir pour une démarche juridique, mais notre approche est plus large. Elle est interdisciplinaire. Nous travaillons la dimension psycho-sociale des demandes. Notre idée est d’être un peu comme une maison médicale, mais dans le domaine socio-juridique. » Les quatre avocates, spécialisées en droit des étrangers et en droit de la famille, travaillent main dans la main avec une assistante sociale et, depuis peu, avec une psychologue, dont les consultations se déroulent dans les locaux de l’asbl, mais aussi avec le tissu associatif bruxellois.

Pour Samar, la rencontre avec l’équipe de Casa Legal a changé la donne : « J’ai des problèmes qui n’ont fait que grandir. Ici, j’ai directement senti que l’équipe allait m’aider. Je l’ai senti à la façon dont elles ont écouté mon histoire. Elles écoutent vraiment et prennent le temps. » La situation de Samar est un nœud de difficultés entrelacées. Lorsqu’en 2018, elle quitte le Liban avec ses deux enfants pour rejoindre son mari syrien dans le cadre du regroupement familial, elle fait face à un homme extrêmement violent. « Pendant quatre mois, j’ai vécu le pire de ma vie », lâche-t-elle. Elle décide courageusement de le quitter, de s’extirper de son emprise toxique, mais elle se retrouve pendant plus d’un an sans logement fixe, contrainte de faire appel au Samusocial. Son droit au séjour dépend de celui de son mari, ou de ses enfants, reconnus réfugiés. Samar se débat depuis dans des batailles juridiques et administratives, aux confluents du droit de la famille, du droit des étrangers, du droit social et du droit de la jeunesse. De quoi perdre le nord. « Je me suis sentie très seule, très stressée, témoigne-t-elle. Avant, mes avocats ne m’expliquaient pas grand-chose. Mais maintenant ça avance. Il y a deux semaines, mon ex-mari m’a vue, lors d’une audience devant le juge de la jeunesse, avec mes avocates, et ça l’a un peu calmé. »

Améliorer l’accès aux droits

Casa Legal s’adresse à un public exclu ou marginalisé, qui rencontre des obstacles dans son accès aux droits. Ce sont souvent des femmes en séjour précaires ou sans-papiers, victimes de violences conjugales ou de traite des êtres humains. « Nous ne voulons pas nous substituer aux avocats, mais intervenir lorsque notre approche offre une plus-value, précise Clémentine Ebert, une autre fondatrice. Lorsqu’une problématique psycho-sociale est mêlée aux enjeux juridiques ou lorsque des questions d’accès à la justice se posent. »

Lorsqu’en 2019, Noémie Segers, Katia Melis, Clémentine Ebert et Margarita Hernandez-Dispaux imaginent ce projet innovant, cet « ovni » dans le paysage juridique, elles ambitionnent de changer en profondeur leurs pratiques d’avocates. « Nous nous sentions très seules dans notre métier et nous voulions proposer autre chose. Nous sommes salariées, nous pouvons prendre le temps de créer du lien avec les bénéficiaires. L’approche purement juridique oblige à segmenter les demandes. Ici, nous proposons une prise en charge globale », ajoute Noémie Segers. Ainsi, l’assistante sociale, Manuelle Fettweis, monte sur tous les fronts. Elle intervient sur les questions de logement, d’aide sociale, mais aussi, plus profondément, elle tente d’insuffler de la confiance chez ces bénéficiaires, abîmés par la vie, et d’élaborer des projets avec eux. « Parfois, mes tâches sont à cheval entre le travail social et le coaching », reconnaît-elle.

Chaque année, Casa Legal aide plus de 250 personnes. Les quatre avocates proposent aussi des formations, un service d’aide aux professionnels, des ateliers aux acteurs des mondes judiciaire, policier, associatif qui, souvent, ne se connaissent pas, ou si mal.

« Les gens viennent nous voir pour une démarche juridique, mais notre approche est plus large. Elle est interdisciplinaire. »
Noémie Segers
co-fondatrice

Mais l’association, dont l’audace a été saluée par le Prix de l’Economie sociale en 2021, croule sous les demandes. Son système de financement, qui mêle rémunérations du bureau d’aide juridique, subsides et dons privés, est en tension. Le soutien de 80.000 euros d’Impact Together by BNP Paribas Fortis, géré par la Fondation Roi Baudouin, apporte un bol d’air à l’association. Cette manne permettra aussi à l’équipe d’envisager le futur et, pourquoi pas, de répliquer son modèle, ailleurs en Belgique. En attendant, Samar, elle, reprend espoir : « Aujourd’hui, j’ai moins peur. Je crois qu’on va vraiment commencer à résoudre les problèmes. »

À propos d’Impact Together by BNP Paribas Fortis

Impact Together propose un accompagnement structurel à des organisations (asbl ou entreprises d'économie sociale et/ou à finalité sociale) ayant un potentiel de développement ou un enjeu de maintien de leur impact sociétal en Belgique. Un appel à projets est ouvert jusqu’au 9 novembre 2023. L’objectif est d’initier ou de contribuer à mettre en place un processus de renforcement structurel des organisations sélectionnées en finançant de la consultance externe, certains investissements stratégiques et en mobilisant le réseau de la Fondation Roi Baudouin, qui gère l’appel Impact Together by BNP Paribas Fortis.

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